• Comportement: Qui commande dans la famille ?

    Article trouvé sur le site : Chien-passion.be

    Qui n'a pas "craqué" devant son chien lorsque celui-ci quémande de la nourriture, gémit pour dormir sur le lit ou réclame de l'attention alors que l'on est occupé avec des amis? S'il faut accorder à son animal l'affection qu'il mérite, il faut tout autant veiller à ne pas le laisser prendre une place prépondérante. Il risque en effet d'adopter une position de "dominant", ce qui ne sera pas sans désagrément pour la famille. Avoir le bon comportement au bon moment évitera les "conflits" avec son animal. Mais s'il souffre déjà de ce trouble de la hiérarchie, plusieurs moyens peuvent être mis en œuvre pour l'aider à guérir.

    Un chien, lorsqu'il arrive dans une famille, tisse des liens sociaux afin d'acquérir un statut hiérarchique et trouver sa place dans la "meute" qu'elle représente. Durant cette période, toute incohérence de la part des maîtres peut pousser le chien vers une position de dominant. Si une de ses prérogatives de dominant est remise en question, il peut alors grogner puis, ultérieurement, mordre. Ces troubles de la hiérarchie sont assez fréquents et les propriétaires souvent désemparés par le comportement de leur animal.

    Comment ces perturbations apparaissent-elles ?
    Le chien ne naît pas dominant, il le devient. L'origine d'un tel état est à rechercher, d'une part dans les prérogatives de dominance qui sont accordées au chien et, d'autre part, dans les messages de soumission des maîtres. Le chien cherche à contrôler certains éléments importants de la vie du groupe et si une de ses prérogatives au moment de la puberté est remise en question, c'est le conflit.

    - La hiérarchie chez le chien s'organise autour de trois points :

    * l'accès à la nourriture, c'est-à-dire l'organisation sociale des repas, 
    * le contrôle de l'espace et la maîtrise du territoire, 
    * l'expression de sa sexualité.

    - D'autres facteurs peuvent intervenir comme :

    * l'interaction avec les maîtres (jeux et caresses), 
    * les déjections sociales.

    Manifestations des perturbations de la relation maître-chien

    Organisation sociale des repas:


    On recherche les données qui permettront de comprendre comment le chien se situe dans la hiérarchie.

    - Qui accède le premier à la nourriture ? 
    - Obtient-il de la nourriture à table ? 
    - Quelle est sa vitesse d'ingestion en fonction de la présence ou de l'absence du groupe pour manger ? 
    - Laisse-t-il de la nourriture dans sa gamelle ?

    Au sein d'une meute de chiens, les prérogatives du dominant sont les suivantes : il mange en premier pendant que les autres le regardent; il mange lentement et laisse quelques morceaux pour les autres chiens. Si les chiens dominés s'approchent de sa nourriture, il grogne.
    Au sein de la famille, le chien est souvent nourri juste avant le repas des maîtres. Attention, car ce geste correspond à une prérogative de dominant octroyée par les maîtres.
    S'il quémande à table et qu'il obtient des dons de nourriture, les propriétaires lui accordent là encore une prérogative de dominant.
    Chez des chiens qui ont acquis des prérogatives de dominants depuis longtemps, on peut même observer des comportements d'agression (grognements et morsures) si les dons de nourriture tardent à venir. 
    Enfin, la vitesse d'ingestion de la nourriture, ainsi que la présence ou l'absence du groupe pour manger, sont des éléments importants à connaître. Le chien dominant mange lentement comme s'il dégustait, laisse parfois des restes (il est décrit par les propriétaires comme un chien difficile qui chipote). Il mange mieux si on le regarde et il grogne si on s'approche de sa gamelle.

    Organisation du contrôle de l'espace:

    Au sein de la meute de chiens, le dominant contrôle l'occupation de l'espace, les déplacements et les activités de la meute.


    Au sein de la famille, il choisit son lieu de couchage : il s'installe dans un endroit stratégique qui lui permet de surveiller toutes les allées et venues des maîtres, comme le couloir ou le palier. C'est un chien que l'on enjambe souvent pour passer d'une pièce à une autre. Il s'installe en hauteur (sur un canapé ou un fauteuil). Toute tentative pour le déloger aura pour effet de déclencher des comportements d'agression.
    Il contrôle aussi les déplacements des maîtres : il peut les empêcher de sortir ou leur interdire l'accès à une pièce.Il franchit les portes en premier et, dans la voiture, veut toujours être devant, voire empêcher les maîtres de monter.

    Expression de sa sexualité:

    Le chien dominant exprime sa sexualité devant tout le monde.
    Il s'excite sur les coussins, voire sur les jambes des personnes. Il faudra faire la différence entre chevauchements hiérarchiques et saillie. Le chevauchement hiérarchique a lieu sur la personne du même sexe que le chien.

    Interactions avec les propriétaires:

    Le chien exprime sa dominance par toute une série d'attitudes socialement significatives :

    * un chien qui se perçoit comme dominant décide de jouer et apporte sa balle ou sa laisse pour sortir. 

    * Il vient chercher les caresses et en détermine la durée. S'il n'a pas envie de se faire caresser, il grogne et peut mordre. Le brossage est parfois impossible. Dans un premier temps il se raidit, émet un grognement bref avant de mordre. Ce type d'agression par irritation est un signe clinique fréquent au cours de sociopathies.

    * Il empêche les maîtres de répondre au téléphone, de parler avec les gens dans la rue. Il s'interpose entre eux lorsqu'ils veulent s'embrasser, aboie, voire grogne et mord. Les femelles peuvent empêcher la maîtresse de s'approcher de ses enfants.

    Déjections sociales:

    Il s'agit de dépôts d'urine réalisés en levant la patte sur un objet bien visible et d'importance sociale, voire d'excréments bien moulés déposés parfois en hauteur.

    Evolution

    Sociopathie au stade réactionnel:


    Au tout début de l'évolution d'un trouble de la hiérarchie, le chien grogne. C'est la phase de menace ou d'intimidation. Ensuite, si les maîtres reculent pour ne pas affronter leur chien, ce dernier passe à l'acte et mord. C'est la phase d'attaque. Puis c'est la phase d'apaisement : soit le chien s'enfuit, soit il vient lécher la zone mordue, voire chevaucher la personne mordue.
    Cette dernière phase est très importante, car très souvent les propriétaires interprètent cette attitude comme celle d' un chien qui vient demander pardon parce qu'il sait qu'il a mal fait. En fait, il n'en est rien. Accepter le léchage ou le chevauchement, c'est accepter la dominance du chien et le maître est ainsi en position de dominé.
    Lorsque ces trois phases sont présentes, on parle de sociopathie au stade réactionnel.

    Hyperagressivité secondaire:

    Si le chien n'est pas traité dès le début des premiers grognements et morsures, l'évolution se fera vers une hyperagressivité secondaire avec modification de la séquence d'agression, c'est-à-dire vers la disparition des phases de menace et d'apaisement. Le chien mord d'emblée donc sans prévenir.

    Diagnostic

    Il est facile. Cependant, toutes les morsures n'ont pas une signification hiérarchique.
    On retrouve des "morsures" chez certains chiens au cours de séquences de jeu comme chez le chien hyperactif-hypersensible.
    Dans d'autres pathologies, on retrouve aussi des destructions avec mictions et défécations comme dans l'anxiété de séparation.
    Dans le cas de sociopathie, les destructions sont toujours localisées aux issues (portes et fenêtres) alors que les mictions et défécations sont situées dans des lieux d'importance sociale, et les selles sont bien moulées.

    Pronostic

    Il est fonction du stade évolutif de la maladie.
    Le stade réactionnel (avec ses 3 phases) a un bon pronostic si les propriétaires jouent le jeu et si la thérapie est bien suivie. 
    En revanche, au stade d'hyperagressivité secondaire, le chien peut être très dangereux et les maîtres doivent être avertis. Le pronostic est réservé.
    Un autre élément à prendre en considération pour le pronostic est la façon dont le chien exécute la morsure. Si le chien mord brièvement (il "pince" pour les maîtres), on se trouve en présence d'une séquence d'agression exécutée par un chien qui se perçoit comme dominant. Il sera plus difficile de le faire basculer au rang de dominé par rapport au chien qui maintient sa prise jusqu'a ce que lui-même ou son adversaire se soumette. Dans ce dernier cas, le chien est dans une position hiérarchique ambiguë et il sera facile de faire basculer la relation avec peu d'efforts.

    Traitements

    La décision de recourir au traitement dépend du stade évolutif de la sociopathie et de la puissance physique du chien.
    L'usage de médicaments bien ciblés et bien choisis (psychotropes) s'impose parfois. Leur utilisation facilitera la thérapie qui constitue l'élément essentiel : elle est basée sur une régression sociale dirigée et concerne toutes les personnes faisant partie de la meute du chien.
    Le chien devra manger après les maîtres et ne plus obtenir de nourriture à table. On lui attribuera un lieu de couchage qui ne soit pas un lieu de passage, ni un point stratégique qui lui permette de tout surveiller.
    Les chevauchements sont interdits. Par ailleurs, aux maîtres d'initier les jeux et les caresses.
    Le problème de la castration des mâles est souvent posé. Cela ne donne aucun résultat. En revanche, si les séquences d'agressions chez la femelle sont liées aux cycles hormonaux, l'ovariectomie s'impose.

    Prévention

    Elle est INDISPENSABLE. Il faut donner au propriétaire qui vient d'acquérir un chien les principales règles à respecter afin d'obtenir une bonne cohabitation entre le chien et ses maîtres.

    Conclusion

    Les troubles de la hiérarchie ne constituent pas une maladie de l'individu mais une maladie de "groupe".
    Le chien sociopathe est un chien parfaitement normal. Il n'est pas malade. Pour aborder un trouble de la hiérarchie il faut envisager toute la meute, c'est-à-dire toutes les personnes qui vivent avec le chien.

    Docteur Vétérinaire Monique BOURDIN
    Ecole Nationale Vétérinaire de Maisons-Alfort
    Article extrait des Dossiers des Bons Maîtres n° 23

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