• Eloge de la fatigue...Robert Lamoureux

    Dans la continuité de mon précédent article sur Robert Lamoureux (Chasse au canard...Robert Lamoureux ) , j'avais envie de vous présenter une autre facette de son talent

    Vous me dites, Monsieur, que j'ai mauvaise mine,
    Qu'avec cette vie que je mène, je me ruine,
    Que l'on ne gagne rien à trop se prodiguer,
    Vous me dites enfin que je suis fatigué.

    Oui je suis fatigué, Monsieur, et je m'en flatte.
    J'ai tout de fatigué, la voix, le coeur, la rate,
    Je m'endors épuisé, je me réveille las,
    Mais grâce à Dieu, Monsieur, je ne m'en soucie pas.
    Ou quand je m'en soucie, je me ridiculise.
    La fatigue souvent n'est qu'une vantardise.
    On n'est jamais aussi fatigué qu'on le croit !
    Et quand cela serait, n'en a-t-on pas le droit ?

    Je ne vous parle pas des sombres lassitudes,
    Qu'on a lorsque le corps harassé d'habitude,
    N'a plus pour se mouvoir que de pâles raisons...
    Lorsqu'on a fait de soi son unique horizon...
    Lorsqu'on a rien à perdre, à vaincre, ou à défendre...
    Cette fatigue-là est mauvaise à entendre ;
    Elle fait le front lourd, l'oeil morne, le dos rond.
    Et vous donne l'aspect d'un vivant moribond...

    Mais se sentir plier sous le poids formidable
    Des vies dont un beau jour on s'est fait responsable,
    Savoir qu'on a des joies ou des pleurs dans ses mains,
    Savoir qu'on est l'outil, qu'on est le lendemain,
    Savoir qu'on est le chef, savoir qu'on est la source,
    Aider une existence à continuer sa course,
    Et pour cela se battre à s'en user le coeur...
    Cette fatigue-là, Monsieur, c'est du bonheur.

    Et sûr qu'à chaque pas, à chaque assaut qu'on livre,
    On va aider un être à vivre ou à survivre ;
    Et sûr qu'on est le port et la route et le quai,
    Où prendrait-on le droit d'être trop fatigué ?
    Ceux qui font de leur vie une belle aventure,
    Marquant chaque victoire, en creux, sur la figure,
    Et quand le malheur vient y mettre un creux de plus
    Parmi tant d'autres creux il passe inaperçu.

    La fatigue, Monsieur, c'est un prix toujours juste,
    C'est le prix d'une journée d'efforts et de luttes.
    C'est le prix d'un labeur, d'un mur ou d'un exploit,
    Non pas le prix qu'on paie, mais celui qu'on reçoit.
    C'est le prix d'un travail, d'une journée remplie,
    C'est la preuve, Monsieur, qu'on marche avec la vie.

    Quand je rentre la nuit et que ma maison dort,
    J'écoute mes sommeils, et là, je me sens fort ;
    Je me sens tout gonflé de mon humble souffrance,
    Et ma fatigue alors est une récompense.

    Et vous me conseillez d'aller me reposer !
    Mais si j'acceptais là, ce que vous me proposez,
    Si j'abandonnais à votre douce intrigue...
    Mais je mourrais, Monsieur, tristement... de fatigue.

    Robert Lamoureux

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  • Commentaires

    4
    Jeudi 10 Février 2011 à 18:17
    murieldugachignard

    Bonne sieste, alors !!!

    3
    Jeudi 10 Février 2011 à 17:32
    COSEDIA

    bonjour muriel

    c'est une petite perle ce texte ! j'adore ! bonne journée à toi

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    2
    Jeudi 10 Février 2011 à 11:33
    murieldugachignard

    C'est vrai. c'est grâce à papa qui s'en souvient bien lui, c'était plus de sa génération, mais ils me font autant rire...

    1
    Jeudi 10 Février 2011 à 07:50
    mitou

    coucou Muriel

    C'est formidable de pouvoir retrouver sur le net tous ces skestchs !!

    que l'on ne voit plus à la télé !!! et pourtant ils sont si drôles !!!

    et si bien écrits !!!

    bisous et bonne journée

    MITOU

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